Je retourne ce soir à la galerie voir l'expo Emmanuel Lepage. Je vous parlerais lundi de l'expo et de cette galerie que j'apprécie. Pour patienter voici le billet que nous avions écrit sur Juillard. Les droits de ce billet appartiennent au Monde et s'il avait une objection à le voir publier ici, je l'enléverais.
Juillard, l’auteur de BD traditionnel, est donc aussi un remarquable dessinateur classique amoureux du dessin, de la liberté qu’il offre et des peintres du 19ème. Est- ce le même artiste ? Quel artiste aurait-il été s’il s’était consacré au dessin plutôt qu’à la BD ? Plus famélique sans doute (et on le comprend, vu la difficulté de percer aujourd’hui dans ce domaine), mais sans doute aussi plus convaincant.
Photos ©Daniel Maghen
A la Galerie Daniel Maghen, jusqu’au 4 Novembre.
Pour les jeunes amateurs de bande dessinée (qui savent éclairer le regard d’amateurs plus traditionnels comme moi : c’est pour cette raison que ce billet a été écrit à quatre mains, par mon fils et moi), André Juillard est un dessinateur traditionnel, trop traditionnel. Dans ses albums (Les 7 vies de l’épervier, Le triangle secret, Plumes au vent, des remakes de Blake et Mortimer), il construit un monde très classique : histoire assez banale (à la James Bond), grands aplats de couleur crue sans nuances et sans ambiguïté, construction classique des planches, manque d’audace dans le dessin et la mise en page (en bas, La Machination Voronov). C’est réaliste, froid, parfait. Ça peut plaire aux enfants de Tintin et de Spirou, mais, pour des amateurs plus modernes, c’est loin des tendances créatives actuelles de la BD, des romans graphiques novateurs (La musique du dessin de Baudoin) ou des sujets complexes (Les pilules bleues de Peeters). Je parlerais ici de ces deux albums prochainement . Tout au plus se laisse-t-on séduire par un album plus intimiste de Juillard, Le cahier bleu : c’est un récit amoureux sur la solitude et les contradictions amoureuses (désir de protection, désir de rencontre) ; mais le graphisme y reste très réaliste, un peu froid, laissant peu de place à l’imagination. Donc l’élément plus jeune de notre tandem allait voir cette exposition de dessins d’André Juillard avec quelques réticences, l’élément plus âgé étant, lui, vierge de toute opinion préliminaire.
Et ce fut une surprise de taille. Comme le dit Bilal dans la préface du livre, l’encre de chine et la couleur avaient tué la mine de plomb. Le dessin de Juillard se révèle plein d’émotions, de contrastes, de tendresse. Il montre des femmes, nues, incertaines, pleines de chaleur, des regards expressifs, non figés (ci-contre). A l’opposé de ses albums ou presque, le dessinateur a appris la simplicité. Dans le superbe livre, Entracte, qui accompagne l’exposition, on découvre ça et là des planches ou l’émotion effleure sous le classicisme et la couleur (la couleur en BD est parfois un grand gâchis, Hugo Pratt m’en est témoin). Et soudain son classicisme, son absence d’audace prennent un sens différent. Face à un dessin inspiré de Degas (en haut), face à cette capacité à suggérer une cambrure d’une ombre crayonnée. Ce contour incertain des seins, ce dégradé tout en nuance. Si réel, si imparfait. Si touchant.
Pour les jeunes amateurs de bande dessinée (qui savent éclairer le regard d’amateurs plus traditionnels comme moi : c’est pour cette raison que ce billet a été écrit à quatre mains, par mon fils et moi), André Juillard est un dessinateur traditionnel, trop traditionnel. Dans ses albums (Les 7 vies de l’épervier, Le triangle secret, Plumes au vent, des remakes de Blake et Mortimer), il construit un monde très classique : histoire assez banale (à la James Bond), grands aplats de couleur crue sans nuances et sans ambiguïté, construction classique des planches, manque d’audace dans le dessin et la mise en page (en bas, La Machination Voronov). C’est réaliste, froid, parfait. Ça peut plaire aux enfants de Tintin et de Spirou, mais, pour des amateurs plus modernes, c’est loin des tendances créatives actuelles de la BD, des romans graphiques novateurs (La musique du dessin de Baudoin) ou des sujets complexes (Les pilules bleues de Peeters). Je parlerais ici de ces deux albums prochainement . Tout au plus se laisse-t-on séduire par un album plus intimiste de Juillard, Le cahier bleu : c’est un récit amoureux sur la solitude et les contradictions amoureuses (désir de protection, désir de rencontre) ; mais le graphisme y reste très réaliste, un peu froid, laissant peu de place à l’imagination. Donc l’élément plus jeune de notre tandem allait voir cette exposition de dessins d’André Juillard avec quelques réticences, l’élément plus âgé étant, lui, vierge de toute opinion préliminaire.
Et ce fut une surprise de taille. Comme le dit Bilal dans la préface du livre, l’encre de chine et la couleur avaient tué la mine de plomb. Le dessin de Juillard se révèle plein d’émotions, de contrastes, de tendresse. Il montre des femmes, nues, incertaines, pleines de chaleur, des regards expressifs, non figés (ci-contre). A l’opposé de ses albums ou presque, le dessinateur a appris la simplicité. Dans le superbe livre, Entracte, qui accompagne l’exposition, on découvre ça et là des planches ou l’émotion effleure sous le classicisme et la couleur (la couleur en BD est parfois un grand gâchis, Hugo Pratt m’en est témoin). Et soudain son classicisme, son absence d’audace prennent un sens différent. Face à un dessin inspiré de Degas (en haut), face à cette capacité à suggérer une cambrure d’une ombre crayonnée. Ce contour incertain des seins, ce dégradé tout en nuance. Si réel, si imparfait. Si touchant.
Juillard, l’auteur de BD traditionnel, est donc aussi un remarquable dessinateur classique amoureux du dessin, de la liberté qu’il offre et des peintres du 19ème. Est- ce le même artiste ? Quel artiste aurait-il été s’il s’était consacré au dessin plutôt qu’à la BD ? Plus famélique sans doute (et on le comprend, vu la difficulté de percer aujourd’hui dans ce domaine), mais sans doute aussi plus convaincant.
Photos ©Daniel Maghen
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